| II - Vladimir raconte une étrange histoire à Rouletabille.
Relevé de sa garde par Tondor (Le domestique transylvain de Vladimir, le seul qui restât à la petite troupe depuis la mort héroïque de Modeste et du Katerdjibaschi), Rouletabille rentra dans sa tente, qu’il partageait avec Athanase Khetew. Le Bulgare dormait profondément, enveloppé dans son manteau qui lui servait de couverture. À la lueur de la bougie plantée dans le goulot d’une bouteille, Rouletabille considéra assez longtemps ce rude visage. Pendant le sommeil, il était vraiment apaisé, c’était là une figure d’honnête homme qui ne reflétait aucun remords et qui se reposait de tous les tourments des jours mauvais, lesquels depuis plus de dix ans avaient creusé leurs sillons terribles dans cette chair encore jeune. « Il est digne d’être aimé ! » se dit Rouletabille, mais il pensa qu’Ivana ne l’aimait pas et que c’était une traîtresse qui avait trompé tout le monde. Là-dessus, il se déshabilla, fit ses ablutions comme chez lui, éteignit le fourneau à pétrole et se glissa sous les couvertures de son lit de camp. À tout hasard, sur la tablette, il avait mis une carabine toute chargée à portée de sa main. Il s’endormit en pensant à sainte Sophie et il rêva qu’il se noyait dans une cataracte.[1] Depuis une heure, il somnolait ainsi quand il se dressa tout à coup sur son séant, l’oreille au guet. Il entendait, derrière sa toile, à quelques pas de là, des voix, un chuchotement rapide, puis de sourdes exclamations ; et il reconnut ces voix : tantôt c’était celle de Vladimir Petrovitch et tantôt celle de La Candeur ; celle de Vladimir marquait la plus farouche mauvaise humeur, et celle de La Candeur une extraordinaire satisfaction. « À toi ! disait l’un. – Non, c’est à toi ! » répondait l’autre et puis il y avait un silence, et puis encore des exclamations. Rouletabille se glissa dans sa culotte. Il voulait savoir ce qui se passait à côté, et pourquoi ces deux hommes ne dormaient pas, eux qui avaient affecté une telle fatigue. Sans faire de bruit et sans éveiller Athanase, qui ronflait doucement, il sortit de sa tente et s’approcha de celle de La Candeur et de Vladimir, qui laissait passer, par les interstices de la toile mal jointe, des rais de lumière. Rouletabille dénoua fort adroitement les ficelles qui rattachaient la porte flottante et apparut tout à coup aux regards médusés du bon La Candeur et du triste Vladimir. Rouletabille remarqua que La Candeur était écarlate, tout en sueur et dans un état d’exaltation peu ordinaire, tandis que Vladimir était fort pâle. « Ah ça ! mais est-ce que vous vous fichez du monde ? souffla le reporter. Vous jouez ?… » Il y avait, en effet, entre les deux jeunes gens une petite table portative, et sur cette table un jeu de cartes et un morceau de papier, sur lequel quelques notes étaient écrites au crayon. Rouletabille bondit sur le jeu de cartes. Il leur en avait déjà confisqué deux dès le début du voyage et il pensait bien qu’ils n’avaient plus de cartes. Cette passion du jeu les empêchait de prendre un repos nécessaire. « Vous jouez au lieu de dormir ?… Vous n’êtes pas enragés, dites ?… Vous n’avez pas honte ?… je vous l’ai pourtant assez défendu ! dès le premier soir il a été entendu que je ne verrais plus entre vos mains un jeu de cartes !… M’avez-vous juré que vous ne joueriez plus, oui ou non ?… » – Rouletabille, ne te fâche pas, émit La Candeur, conciliant, je vais te dire : nous avons essayé de dormir, mais le sommeil n’est pas venu !… – Tas de menteurs ! Vous ne vous êtes même pas déshabillés et votre couchette n’est pas défaite !… Mais vous n’aviez plus de cartes ! Où donc avez-vous trouvé ce sale jeu-là ? Il est ignoble !… – C’est le sous-off qui accompagnait m’sieur Athanase, murmura La Candeur en baissant la tête, qui l’a laissé tomber de sa poche !… – Tu le lui as acheté, oui, bandit ! ou Vladimir le lui a volé ! – Monsieur ! Monsieur ! pour qui me prenez-vous ? – Et à quoi jouiez-vous ?… – Mais, fit La Candeur, à ce petit jeu russe dont je t’ai parlé autrefois et qui est si amusant… – Et qu’est-ce que vous jouez ? » fit le reporter en saisissant le papier qui était sur la table et sur lequel il lut : « Bon pour cinq cents francs. Signé : Vladimir Petrovitch. » Il arracha le billet et, furieux : « Tu es encore plus bête que je ne croyais, dit-il à La Candeur… Que tu joues de l’argent contre de l’argent, passe encore, mais contre la signature de Vladimir Petrovitch… – Je n’ai pas osé « faire Charlemagne », expliqua La Candeur. – Je joue sur signature parce qu’il m’a gagné tout mon argent, dit Vladimir qui n’avait point une bonne mine. – Tu en avais beaucoup ? – Demandez-le à La Candeur. – Voilà… dit La Candeur en rougissant. Voilà comment les choses se sont passées… Au commencement, c’est moi qui n’avais pas d’argent et je savais que Vladimir en avait. C’est triste de voyager sans argent. J’ai proposé à Vladimir de lui jouer mon épingle de cravate qui est le dernier souvenir qui me reste de ma sœur morte en me maudissant. – Pourquoi ta sœur t’a-t-elle maudit, La Candeur ? – Parce que je m’étais fait journaliste ! Tu comprends que je ne tenais pas énormément à ce souvenir-là. Je m’étais débarrassé de tous les autres. Je jugeais l’occasion bonne pour mon épingle de cravate. Mais ce sera pour une autre fois, car comme tu le vois, je ne l’ai pas perdue ! – Et avec elle tu as gagné tout l’argent de Vladimir ? Dis-moi, combien… – Je vais te dire… je vais te dire… on a commencé d’abord par jouer petit jeu… tout petit jeu… Mon épingle vaut bien soixante-quinze francs… Vladimir me l’a jouée contre vingt-cinq !… ça n’était guère… le malheur, pour Vladimir, est que de vingt-cinq, en cinquante, en cent… (car Vladimir a le tort de poursuivre son argent, je le lui ai assez dit) je lui ai gagné tout ce qu’il avait dans sa poche… Maintenant, comme je ne suis pas un mufle, je lui joue des billets qu’il me fait. À ce qu’il paraît qu’il a encore de l’argent à toucher sur l’invention de sa cuirasse ! – La Candeur, tu vas me dire combien tu as gagné à Vladimir ! – Qu’est-ce que ça peut te faire ? – Cela me fait que j’ignore d’où vient cet argent-là… – Puisqu’il vient de la cuirasse[2] !… – Assez, combien ?… » La candeur, de plus en plus écarlate, fit : « Je ne sais plus au juste… » et il se décida à fouiller dans l’une de ses poches d’où il tira trois ou quatre billets de banque de cent levas (francs). « Ce n’est pas tout ! fit Rouletabille. – Non, grogna La Candeur, en voilà encore… » Et il tira, cette fois, cinq billets de cinq cents levas. « Fichtre ! tu te mets bien ! c’est tout ? – Je crois que c’est tout », susurra le bon géant en détournant la tête. Mais Rouletabille se précipita sur lui, le fouilla et le vida d’une quantité incroyable de billets de banque qu’il avait entassés au petit bonheur dans la fièvre du jeu et qu’il se laissait enlever avec des soupirs de soufflet de forge… Rouletabille compta : Il y avait là quarante mille levas (quarante mille francs) ! Rouletabille regardait La Candeur, mais La Candeur n’osait pas regarder Rouletabille. « C’est la première fois que j’ai eu de la veine ! balbutia-t-il. – Attends ! dit Rouletabille, d’une voix légèrement oppressée, car il ne s’attendait point au déballage de cette petite fortune, attends. Nous en parlerons tout à l’heure de ta veine. » Et il ajouta : « C’est donc cela que tu proposais toujours à ces messieurs du Château noir, une rançon de quarante mille francs !… – Mais oui, gémit La Candeur ; j’ai bon cœur, moi !… – Avec l’argent des autres c’est facile d’avoir bon cœur, émit Vladimir. À ce moment-là, j’avais encore presque tout mon argent dans ma poche, mais La Candeur n’hésitait pas à en disposer comme s’il était déjà dans la sienne !… – C’était pour le bien de la communauté, répliqua La Candeur… – Tu as bon cœur, gronda Rouletabille, mais je me demande si, au fond, tu n’es pas aussi crapule que Vladimir !… –Monsieur, dit Vladimir en se levant, j’affirme que vous me faites beaucoup de peine !… » Et il voulut s’esquiver, mais Rouletabille le retint et lui demanda sur un ton sec, qui fit pâlir le jeune Slave : « D’où vient l’argent ? – Monsieur, je vous assure qu’il vient fort honnêtement de la vente de l’invention de ma cuirasse… Je tiens cette cuirasse d’un de mes amis de Kiew, qui a passé plus de dix ans de sa vie à l’inventer, à la perfectionner, enfin à en faire un véritable objet d’art militaire pour lequel il a dépensé une véritable fortune. Désespéré, lors de la dernière guerre de la Russie avec le Japon, de n’avoir pu vendre sa cuirasse au gouvernement russe, il est entré dans les bureaux de la censure, à Odessa, et m’a fait cadeau du fruit de ses veilles et de la cause de tous ses malheurs. Plus favorisé que lui, monsieur… » Rouletabille l’interrompit. « Assez, Vladimir Petrovitch !… Je te jure que si tu ne me dis pas comment tu as eu tout cet argent, je te livre aux autorités bulgares pieds et poings liés ! Tu leur raconteras, à elles, l’histoire de ta cuirasse. » Vladimir vit que c’était fini de rire et commença, en soupirant comme un enfant malade : « Eh bien, je vais vous dire la vérité !… Elle est beaucoup moins grave que vous ne croyez, et toute cette affaire est arrivée, mon Dieu ! presque sans que je m’en aperçoive. – Va !… » Rouletabille pensait : « Il est capable de tout ! Pourvu qu’il n’ait assassiné personne ! » La Candeur, avec une désolante mélancolie et une grandissante inquiétude, regardait du coin de l’œil ces beaux billets dont la possession lui avait causé tant de joie et qui étaient maintenant la cause d’une explication difficile dont, certes ! il se serait très bien passé. Vladimir commençait : « Rappelez-vous, monsieur, ce jour où, à Sofia, en sortant de l’hôtel Vilitchkov, vous nous trouvâtes, La Candeur et moi, enveloppés, à cause du froid, en des vêtements de fortune. La Candeur avait une couverture et moi, monsieur, j’avais une fourrure, une fourrure magnifique, une fourrure que vous avez admirée, monsieur… – Oui, la fourrure d’une amie à vous m’avez-vous dit, la fourrure d’une princesse… je me rappelle très bien, fit Rouletabille, qui fronçait terriblement les sourcils… Après ? » Vladimir s’épouvanta tout à fait. « Oh ! monsieur, s’écria-t-il, vous n’allez pas croire que je l’ai vendue ! – Ah ! tu ne l’as pas vendue ?… – Monsieur, pour qui me prenez-vous ? – Qu’en as-tu donc fait ? – Remarquez, reprit Vladimir, en clignotant de ses lourdes paupières et en roucoulant de sa plus douce voix, car il se remettait peu à peu et, ayant fait un rapide examen de conscience, il en était sans doute arrivé à se demander pourquoi il avait essayé de dissimuler un acte qui ne lui apparaissait point si répréhensible… « Remarquez, monsieur, que j’aurais pu la vendre ! Ne vous récriez pas ! Vous connaissez la princesse ? – Oui… heu !… Je l’ai entr’aperçue… – Oh ! vous lui avez parlé… – C’est elle qui m’a parlé… Je me rappelle m’être heurté sur votre palier contre une grande dégingandée vieille dame aux cheveux couleur de feu qui paraissait un peu folle et qui sortait de chez vous sans manteau, et le chapeau en bataille sur son postiche qui avait perdu tout équilibre. – Oh ! monsieur Rouletabille, que vous a fait la princesse pour que vous la traitiez de la sorte ?… – Elle m’a dit tout simplement ceci, mon cher monsieur Vladimir : « C’est bien à monsieur Rouletabille que j’ai le plaisir de parler ?… Vladimir m’a beaucoup parlé de vous. Je vous prie ! permettez-moi de me présenter à vous ! Je suis une vieille amie de la famille de Vladimir et je m’intéresse à ce garçon qui a beaucoup de talent et qui envoie au journal L’Époque de Paris de si jolis articles, ma parole ! » – La princesse vous a dit cela ? fit Vladimir qui, cette fois avait rougi jusqu’à la racine des cheveux. – Naturellement… Je lui ai même répondu : « Mais parfaitement, madame… c’est Vladimir qui écrit mes articles et c’est moi qui porte à la poste les articles de Vladimir ! » – Dieu ! que c’est drôle ! exprima assez nonchalamment Vladimir. – Pour savoir si c’est drôle, j’attendrai la suite de l’histoire… » déclara, d’une voix menaçante, Rouletabille. Rappelé à l’ordre, Vladimir toussa et continua : « Je vous disais donc, à propos de cette fourrure, qu’il n’eût tenu qu’à moi de la vendre, car enfin la princesse – la princesse Kochkaref… de la fameuse famille Kochkaref de Kiew… les Kochkaref sont bien connus… – Allez !… mais allez donc… – … Car enfin la princesse, qui est une vieille amie de ma famille et qui me veut beaucoup de bien, m’a dit plus d’une fois, cependant que j’admirais ce magnifique manteau : « Vladimir, s’il vous fait envie, mon ami, il est à vous ! » – Petit misérable ! jeta Rouletabille… – Ah ! monsieur, calmez-vous, je ne mange pas de ce pain-là ! interrompit Vladimir avec une admirable expression de dégoût ! C’est ce que, chaque fois qu’elle parlait ainsi, j’ai fait comprendre à la princesse qui, voyant qu’elle me froissait dans mes sentiments naturels, voulut bien ne pas insister. Mais voici ce qui arriva. Ce manteau était l’objet de la jalousie de quelques amies de la princesse qui en discutaient le prix de façon fort déplaisante et qui ne voulaient point croire qu’elle l’eût payé cinquante mille roubles à un marchand de Moscou… à cause de quoi la princesse m’avait dit : « – Vladimir, pour les faire taire, ces péronnelles, vous devriez un jour ou l’autre porter ma fourrure au clou, la faire estimer, refuser bien entendu le prix que l’on vous en offrirait, et revenir avec mon manteau en proclamant la somme que l’on était prêt à vous avancer dessus !… » « Voilà ce que m’avait dit la princesse, et voilà ce que j’ai fait, monsieur, pas autre chose !… je le jure !… – Et moi, je jure que je ne comprends pas très bien, dit Rouletabille. – Vous allez comprendre, monsieur, et vous auriez déjà compris si votre impatience ne vous faisait m’interrompre tout le temps… Voilà la chose… Elle est simple… Le jour même de notre départ de Sofia, quand vous nous eûtes annoncé que nous partions pour une grande et longue expédition, quel a été mon premier mouvement ?… Mon premier mouvement a été de courir chez la princesse pour me débarrasser de ce précieux manteau, que je ne voulais pas conserver plus longtemps sous ma responsabilité ; le hasard fit que je pris justement par la rue où se trouve le Mont-de-Piété ; et que, me trouvant en face de cette institution dont il avait été si souvent question entre la princesse et moi, je me suis mis à penser : « Tiens ! voilà l’occasion de faire estimer le manteau ! » J’entrai. On m’offrit de me prêter dessus la valeur de 43 000 francs !… – Et vous avez accepté ? – Non, monsieur, j’ai refusé. J’ai dit : Non ! – Alors ? – Alors, je ne sais par quelle fatalité, l’employé, qui était sans doute distrait, comprit que je lui répondais : Oui. Et voilà comment on m’allongea 43 000 levas sans que j’aie eu même le temps de protester ! – Mais vous avez eu le temps de les ramasser !… – Ne me jugez pas mal, monsieur. En sortant du Mont-de-Piété, mon premier soin a été de renvoyer à la princesse sa « reconnaissance » ! –Ah ! ah ! vous lui avez renvoyé sa « reconnaissance… » répéta Rouletabille, stupide devant un si prodigieux toupet… – Oui, monsieur, c’est comme je vous le dis ! Je lui ai renvoyé sa « reconnaissance », et ainsi elle pourra retirer son manteau quand elle le voudra ! – Oui-da ! j’espère que la bonne dame vous sera reconnaissante d’une aussi délicate attention !… – Elle n’y manquera point, monsieur, je la connais… – Et qu’elle vous remerciera d’avoir pensé à un aussi infime détail… – Monsieur, entre nous, je lui devais bien ça !… – Mais vous lui devez aussi les 43 000 francs ! – Qui est-ce qui le nie, monsieur ? En même temps que je lui faisais parvenir sa « reconnaissance », qu’elle pourra montrer à ses amis, ce qui lui sera, comme elle le désirait, un motif de triomphe, je la prévenais que, partant le soir même, je n’avais pas le temps de passer chez elle, mais que je lui rapporterais cet argent dès mon retour à Sofia ! – Brigand ! Vous avez usé de cet argent comme s’il vous appartenait ! – Eh ! monsieur, la première chose que j’ai faite a été, à cause de mon bon cœur, de prêter quinze cents levas à La Candeur puis d’en distraire quinze cents pour moi, ce qui nous a permis à tous deux de nous présenter devant vous avec un équipement convenable. – Non content de payer vos effets avec de l’argent qui ne vous appartenait pas, vous avez joué le reste et vous l’avez perdu !… – Eh ! monsieur, voilà pourquoi vous me voyez si ennuyé ! Perdre son argent n’est rien, mais celui des autres peut vous causer bien des désagréments !… » Rouletabille se retourna vers La Candeur. « Tu ne voudrais pas conserver cet argent volé ? lui dit-il. – Et pourquoi donc ? répondit La Candeur avec des larmes dans la voix, je ne l’ai pas volé, moi, cet argent ! je l’ai honnêtement gagné, il est à moi !… » Rouletabille ne répondit à cette parole égoïste et peu scrupuleuse que par un regard de mépris qui fit courber la tête à La Candeur. Finalement, le chef de l’expédition fit disparaître la liasse de billets dans sa poche. « Ah ! mon Dieu ! gémit le géant, je ne les reverrai plus. – Non, tu ne les reverras plus, fais-en ton deuil !… Je les remettrai moi-même à la princesse Kochkaref, à notre retour à Sofia ! » Vladimir déclara à son tour d’une voix plaintive et non dénuée d’amertume : « Du moment, monsieur, que vous trouvez que j’ai mal fait, c’est encore la meilleure solution. Au fond, que l’argent de cette dame soit dans votre poche ou dans celle de La Candeur, le résultat n’est-il pas le même pour moi ? – Mais pour moi, canaille ! crois-tu que c’est la même chose », glapit La Candeur en sautant sur Vladimir. Rouletabille dut les séparer. « Excusez-moi, Rouletabille, fit le pauvre La Candeur, en se laissant tomber sur son lit de camp qui, illico, s’effondra, c’était la première fois que je gagnais !… » Rouletabille sortit sans répondre, raide comme la justice. En rentrant sous sa tente, il trouva Athanase Khetew, éveillé, qui avait tout entendu. « Vous avez bien fait, lui dit le Bulgare, de leur prendre tout cet argent. Il pourra nous servir par les temps qui courent ! » Et il se retourna du côté de la toile pour continuer son somme interrompu. Rouletabille en resta les bras ballants, puis il se remit, se coucha et s’endormit en se disant : « Décidément, je n’ai encore rien compris à l’âme slave ! »
[1] Voir Le Château noir. [2] Voir Le Château noir.
|